La fable
LE LION ET LE MOUCHERON Livre II, Fable IX
« Va-t’en, chétif insecte, excrément de la terre ! »
C’est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L’autre lui déclara la guerre :
« Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi ;
Je le mène à ma fantaisie. »
A peine il achevait ces mots,
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le trompette et le héros.
Dans l’abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du Lion, qu’il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle ;
Il rugit. On se cache, on tremble à l’environ ;
Et cette alarme universelle
Est l’ouvrage d’un Moucheron.
Un avorton de mouche en cent lieux le harcèle ;
Tantôt pique l’échiné, et tantôt le museau,
« Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L’invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu’il n’est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air qui n’en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat : le voilà sur les dents.
L’insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l’annoncer, et rencontre en chemin
L’embuscade d’une Araignée ;
Il y rencontre aussi sa fin.
Extrait de: La Fontaine / Jean de / 1621-1695 / 0070. « Fables de La Fontaine avec les dessins de Gustave Doré... - Tome 1 (1867). » iBooks.
Les conseils pro by Jean DLF 1. Estime le terrain
Le terrain doit être considéré avec la plus grande vigilance.
Tout commence comme un signal faible, on n’y prend garde.
Porté par la majesté de la mission, on méjuge le problème opérationnel, on ne lui prête aucune considération.
Pourtant "il se met au large, puis prend son temps" mais reviendra inlassablement.
Le moucheron lui-même est pris à ce filet :
il doit sa victoire au dédain des puissants mais il périt pour avoir, tout comme le lion, méprisé le plus concret des pièges.
2. Analyse les faits
Alors soudain soudain le bruit lancinant devient crise stridente.
En avant l’artillerie des copil, codir, steerco, zoom, stand-up et autre solve-truc.
On s’agite, on s’ébroue, on commente, parfois même on post-it.
Bref, dans tout ce brouhaha, on oublie de chercher la cause réelle du problème.
"Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un Moucheron"
Hélas, pour découvrir ce "rien" qui est la cause de tout, il va falloir sortir de réunion... et aller mettre les mains dans le cambouis pour retrouver “l’excrément de la terre”.
3. Evite les solutions toutes faites
Le lion fait le lion.
Il utilise ses outils pour résoudre le problème sans réelle analyse préalable.
Et le voilà qu’on brasse de l’air, chacun
"fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs"
A moins que l'on ne plaque violemment des solutions pré-établies : coup de dents, assauts de griffes...
Débauche de moyens, dépenses de ressources, dommages collatéraux.
Démotivation, surcharge de travail, dérive budgétaire.
NB : si l'on n’a pas les bons outils, il n’est pas interdit de coopérer et/ou d’innover.
4. Capitalise sur l’expérience
Si l’on s’en sort, on serait bien content de passer à autre chose.
Mais c’est Jean DLF qui nous rappelle le plus essentiel :
"Quelle chose par là nous peut être enseignée ?"
Semblable quiproquo vaut bien des key learnings.
Qui dit bestioles dit best practices !
Car la force de Jean DLF est d’aller chercher plusieurs enseignements.
Dans toute difficulté, creuse, cherche, tire plusieurs apprentissages.
Non pas une mais deux morales au minimum pour faire du problème une source de profit.
La citation
Excellent modèle de motivation des équipes dans la figure du moucheron :
il donne la direction pendant l’effort et close the loop en célébrant le succès.
Kudos to the moucheron !
"Comme il sonna la charge, il sonne la victoire."
Le Lion et le Moucheron (II,9)